Informations communisme: Une honte pour la démocratie – La résistance anticapitaliste

Source > Blog de Gilbert Achcar

Le président américain Joe Biden et son équipe ont organisé pendant trois jours, du 28 au 30 mars, la deuxième édition de leur Sommet pour la démocratie (essentiellement virtuel). Cet exercice au vent sans grand impact est un projet favori de l’administration Biden, qui le présente comme une contribution majeure à la cause de la démocratie. Sauf qu’il rend en fait un très mauvais service à la cause même qu’il prétend servir.

Le problème commence avec les invités : le précédent sommet, tenu en décembre 2021, comprenait de grands démocrates comme le Brésilien Jair Bolsonaro, le Philippin Rodrigo Duterte et l’Indien Narendra Modi. Pendant ce temps, le président turc Recep Tayyip Erdogan – sans doute pas plus éloigné que l’un de ces trois des critères minimaux de la démocratie – a été exclu. Cette année, les participants comprenaient cet autre grand démocrate, l’Israélien Benjamin Netanyahu, au moment même où une grande partie de la population israélienne elle-même qualifie son gouvernement de fasciste. Erdogan est resté exclu, tandis que Modi était à nouveau une star du spectacle malgré ses nouveaux pas sur la voie de la suppression de la « plus grande démocratie du monde ». Le nouveau président véritablement démocrate du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, n’a pas participé. Comme Erdogan, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, chef d’un énième État membre de l’OTAN, n’a pas été invité à ce sommet ni au précédent, même s’il n’est pas moins « démocrate » que son voisin, le président polonais Andrzej Duda qui y a participé à la fois.

Le Moyen-Orient fournit une bonne illustration des profondes failles de la « promotion de la démocratie » parrainée par les États-Unis : à part Israël, le seul État du Moyen-Orient invité aux sommets a été l’Irak. C’est aussi le seul participant arabe. Le Liban, sans doute un État plus démocratique que la plupart des participants au sommet, n’est pas invité. Les deux États de la région que Washington a historiquement encouragés et façonnés, le royaume saoudien depuis la Seconde Guerre mondiale et l’émirat du Koweït depuis 1991, ne sont pas non plus invités – pour une bonne raison dans leur cas. Et si l’Irak, dont l’administration George W. Bush entendait faire une vitrine de la démocratie au Moyen-Orient, a maintenu une forme de démocratie parlementaire très défaillante, c’est avant tout en raison de l’équilibre précaire entre les forces paramilitaires en conflit à l’intérieur du pays, allant des milices kurdes pro-occidentales au nord aux milices chiites pro-iraniennes au sud.

La prétention de Washington à être le porte-drapeau mondial de la démocratie est entièrement discréditée dans les pays du Sud où son double standard est le plus évident. Un cas d’espèce, outre la question évidente de l’occupation illégale des territoires arabes depuis 1967 et de l’apartheid infligé aux Palestiniens par le protégé américain, Israël, est précisément l’invasion de l’Irak, que Washington et Londres ont menée en 2003 au nom de démocratie entre autres faux prétextes. Cette affirmation n’avait aucune crédibilité au Moyen-Orient pour la simple raison que l’invasion avait été lancée depuis le territoire du royaume saoudien, l’un des États les plus antidémocratiques au monde et le plus ancien allié des États-Unis dans la région.

À tout ce qui précède, il faut ajouter l’état profondément malade de la démocratie aux États-Unis eux-mêmes. Sa prétention d’être le phare mondial de la démocratie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale était déjà fortement discréditée par la privation de droits et la discrimination raciale dont les Afro-Américains ont été victimes pendant plus de deux décennies. Aujourd’hui, le système politique américain traverse la crise la plus profonde de son histoire, avec Donald Trump grossissant ses limites. Le résultat comique est que l’actuel grand rival de Washington, la Chine – contre laquelle le Sommet pour la démocratie a été principalement conçu (Taiwan a été invité les deux fois en violation du principe d’une seule Chine reconnu par les États-Unis) – est perçu par ses population plus démocratique que les États-Unis ne l’est par eux-mêmes. C’est selon Indice de perception de la démocratie 2022, une enquête menée par l’Alliance des démocraties, fondée par l’ancien secrétaire général de l’OTAN et ancien Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen. Selon cette enquête, la Chine obtient le meilleur score, avec 83 % des ressortissants interrogés affirmant qu’elle est démocratique, contre moins de 50 % pour les États-Unis !

Si Joe Biden et son équipe croient qu’ils entreront dans l’histoire pour leur soi-disant Sommet pour la démocratie, ils se font lourdement illusion. Cela ne fera que rejoindre la longue liste des coups de propagande ratés mis en scène par l’État et augmenter encore le scepticisme déjà profond d’une majorité de la population mondiale envers la prétention de Washington à défendre les valeurs démocratiques et, malheureusement, souvent envers ces valeurs elles-mêmes.


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Gilbert Achcar est professeur à SOAS, Université de Londres. Il est l’auteur de nombreux livres, dont The People Want. A Radical Exploration of the Arab Uprising (nouvelle édition avec une nouvelle préface à paraître). Son prochain nouveau livre s’intitulera The New Cold War: Chronicle of a Confrontation Foretold.

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